Laoxe
Laoxe est une grande clairiere entourde de bouleaux. Depuis longtemps l’endroit est habite, defriche et cultive. A l’epoque sovietique un aerodrome y a ete amenage. Plus tard, Died Edik y a tenu les ruches du gouvernment: 200 ruches а lui tout seul! D’autres obligations, du style 150 kg de fougeres salees, devaient etre remplies par les habitants.
Laoxe est une des rares terres sur la Haute-Bikin classee terre agricole. (avec le village d’Ulunga, situe а 45km un peu plus haut, ou ont vecu les arrieres grand-parents de Kostia. Aujourd’hui 2 familles, qui tendent а s’aggrandir y vivent а l’annee.) Ce statut leur a permi de louer les 12 hectares а long terme directement а l’Etat, sans dependre de l’organisation, basee а Iar, gerant les territoires de chasse.
Died Edik et Baba Maia ne veulent rien devoir a personne. Ils ont bati ici peu а peu leur autonomie, avec leur energie de « kolkhoziens », et grace a leur hospitalite, qui leur vaut des retours non negligeables. L’aerodrome draine regulierement helicopteres et avions personnels, et la riviere des enfilades de lodkis а touristes, qui, si l’echange est respectivement satisfaisant, se font un plaisir de revenir plusieurs fois par an, avec petits sables, mayonnaise en pots de 3 litres, ou bien outils precieux, materiel pour les ruches, pieces de reparation pour le moteur, le moto-neige, ou autre instrument indispensable.
Died Edik vient d’ailleurs. Un peu comme pour moi, au village on lui a fait endosser toutes sortes de costumes. Et puis quand il a commence sa vie lа-haut, il en est presque plus sorti. « Marilia, tu penses que tout est simple, que tenir un rucher, avoir des abeilles, ca se fait comme ca, pouf! que vivre en pleine foret, ca se fait comme ca, pouf! que tu demarres et que ca roule, mais attend voir un peu, beaucoup de choses encore tu ne comprends pas, les abeilles, la vie ici, c’est pas si simple…! »
Ben oui… la douceur et le confort de Laoxe sont le fruit de pas mal d’annees, en dizaines, de travail. Seul le « bania noir » (un bania a foyer ouvert, sans poel) atteste encore du neant materiel de leurs debuts. Aujourd’hui, tout semble bien rode, reste a entretenir, mais ca aussi, c’est un sacre travail! Baba Maia (76 ans), commence а fatiguer: « pourquoi donc planter tant de patates?? » Et Died Edik, se sent moins d’attaque a tenir autant de ruches (une trentaine). Mais en tant que bons kolkhoziens, on se leve а 5h du matin, on dejeune а 6, rebelotte а 11, et diner а 6h du soir. Et puis, je tombe а pic: 1er jour: patates, 2 fois. 2eme: patates une fois, mais (c’est pour les poules), betteraves et radis pour moi. 3eme jour: mais, fraisiers, fenouil, concombres et potimarrons, avec un petit creneau pour recolter les premieres fougeres aigle de Laoxe. Bref, tout ce qu’il faut pour me rassurer l’existence… un minimum seulement! Ici tout est dejа en place, et Kostia et moi, on a tout а construire.
Baba Maia rale: de leur expedition filet, son Died lui ramene un petit Taimen… aussi long que ma moitie. (Le Taimen est le plus gros, le plus rare, et le plus goutu poisson de la region). Elle l’aurait bien coupe а la machette et jette dans la gamelle des chiens, mais Died dit que ca se fait pas, on peut au moins en faire des « cotelettes » (ce qui implique un peu plus de travail en cuisine).
Bouffe… y’en aurait pour 5, 6, 7… facilement 3 familles! Les papates sont grosses comme 2 poings, les betteraves rouges tiennent pas dans une main, les oeufs s’entassent, les fougeres recoltees hier risquent de finir au compost. Du poisson plein la riviere (« ca encore, c’est un petit »), du gibier pour toute l’annee, des journees de recoltes de baies, de noix, de champignons, de plantes-medecine en persprectives, des bidons de miel en surplus. Bouffe, sauvage, naturelle, le top du top. J’y inviterai bien tous mes amis en vous disant: » viendez, j’ai trouve le paradis, plus vrai que dans les films, mais faut pas avoir peur des moustiques, des tiques, des moucherolles, des taons et des serpents (on en a decouvert un d’un bon metre 60), des ours, des tigres, des chasseurs et des pecheurs alcooliques, de la neige, et de l’hiver а -40 « . Mais pour l’instant, tout ne m’est encore accessible que par petites doses homeopathiques… 6 jours, et la lodka vient me chercher. Come back to the village, pour derniers (?) torticolis administratifs.
Retour la gorge serree: c’est bien а Laoxe que ma route s’arrete, que mon organisme voyageur veut (et peut) enfin se faire sedentaire pour un temps. Y parvenir, si complique! si longue la route qui y mene, si loin encore de moi le temps ou je pourrais y rester! Une lodka emplie de citadins en mal de chez eux vient m’arracher а tout ce que j’aime, et qui sait quand elle me ramenera jusque lа…