Vladivostok-Luchegorsk, sur un air d’ « A marche forcee »
Debut fevrier
« Voir Paris et mourrir ». Voila ce qu’en disent les Russes. C’est vrai qu’apres tout, Paris, c’est joli… je fais le plein de Sacre Coeur avant de m’envoler vers les rudesses russes. Apres les rondeurs et les douceurs du Centre-Bretagne, l’arrivee a Vladivostok m’agresse de beton et de glace sale. L’odeur de fleur des femmes rehaussent a peine la pauvrete visuelle de la ville post-militaire, des ordures qui trainent, et de l’air charge de gaz-pots d’echappements. Une butte me sauve. De la-haut on peut s’imaginer ailleurs. On peut voir a ses pieds un ensemble qui a du sens, juste un peu, au moins par le fait d’exister.
Dans la sacoche le roman de Slavomir Rawic, A Marche Forcee. Ca aide pas a depasser ce sentiment de grandiose noire embrouille qui risque d’attrapper quiconque, pour un peu qu’il veuille se frotter de pres a la vie Russe. Mais les amis s’donnent un peu d’air: « Aujourd’hui on va en nature »… A 4 voitures ils ont grimpe une colline, jusqu’au fort numero 7. Z’ont sorti le barbecue, les serviettes de table, les chaises, tout, comme de bons russes bien organises. Et puis on va visiter le fort souterrain qui date de l’epoque du tsar. Un truc immonde enorme integralement betonne. Le guide a la gueule ravinee raconte comment ils ont repousse les japonais. Ca doit etre la seule fois qu’il ait servi. On s’echange des cigaretttes.
Train de nuit. Chauffe au charbon, avec sa bouilloire collective. J’ai pris une place assise, les moins cheres. Pour une etrangere, c’est pas comprehensible. Le wagon sent l’alcool. Pas une pepette qui sent bon… La cheftaine est stressee: un type est entre avec un billet qui ne correspond pas. Toute la nuit quasiment elle a reconte les passagers. Au matin dehors la plaine, blanche, nue et froide. De la neige encore epaisse pour enfouir chaque village brinqueballant, encore vivant. Une 10zaine d’heure pour 600km, jusqu’a Luchegorsk. Une ville sans interet construite il y a peu, avec son hydro-electrique, ses barres de beton pour loger les pelleteurs de charbon, et son eglise toute neuve, construire par l’usine, evidemment.
C’est dans un de ces appartements decrepis que l’on m’attend. Ils sont une pelletee du village, a etre venus bosser a l’usine. « C’est dur, mais ca paye. » Raia est enceinte jusqu’aux dents. Elle attend que ca vienne, chez le cousin Vania. Je ne l’ai pas attendue, pour filer un matin, en stop, jusqu’aux village. L’hiver la piste est sans cesse parcourue par les camions forestiers. C’est un Chinois qui m’embarque en premier. On echange quelques mots. Ils nous laisse a mi-chemin, moi et un autre jeune parti a Iar voir la famille. Un second camionneur m’explique qu’il doit profiter de la piste d’hiver pour gagner des sous. L’ete, la piste est tellement degueulasse que la casse occasionnee rend les trajets a peine rentables.
Puis y’a le pont, la Bikin, on descend, et on oublie tout, le gazoil, la glace sale de Vladivostok, les cheminees de Luchegorsk. Ici l’air est pur, la Bikin sauvage, une vie saine et tranquille bien possible…